Une recherche au sang pas comme les autres

Les conducteurs de chiens de sang sont évidemment très utiles à la chasse pour permettre de retrouver d’éventuels animaux blessés, mais leurs services ne s’y cantonnent pas uniquement.

En effet, ces bénévoles passionnés sont parfois appelés pour faire des recherches autres que pour la chasse, comme par exemple lors de collisions routières, évitant ainsi la souffrance de bien des animaux.

Récemment, un conducteur de chien de sang a été appelé pour une recherche bien particulière, et il lui a fallu prêter l’oreille à deux reprises au téléphone pour être sûr de l’objet de l’appel ! Un bœuf échappé de son élevage depuis plusieurs semaines était redevenu sauvage et divaguait depuis dans les environs, jusqu’au jour où il a été aperçu avec un comportement particulier et surtout du sang sur les naseaux.

L’éleveur a alors souhaité faire appel à un chien de sang afin de pouvoir retrouver l’animal et le récupérer, ou au contraire abréger ses souffrances. Il va s’avérer que l’animal fut blessé par balle, très certainement suite à un acte de braconnage ou de violence volontaire envers un animal, mais en aucun cas il ne s’agit d’un incident de chasse.

Voici le récit du conducteur, qui met surtout en lumière sa passion et sa connexion avec son chien « Merveille ». Bravo à lui.

« Encore une première fois
La recherche au sang réserve toujours des surprises, à chaque piste le chien et le conducteur apprennent ensemble. Chaque piste en est une nouvelle, chaque piste est une découverte. J’ai déjà réalisé de nombreuses recherches avec plusieurs chiens; mais parfois, souvent, j’apprends ; parfois, souvent, mes chiens me surprennent. Les chiens par l’expérience progressent à chaque fois, leurs seul but est de faire plaisir à leur maître, faire ce qu’il leur demande. Avec mon expérience je pensais avoir tout vu, du moins beaucoup de choses; jamais je n’aurais pensé pister un tel animal, jamais je n’ai entendu quelqu’un me narrer ce type de recherche. Comme quoi, tout peut arriver.

Au téléphone, je pense tout d’abord à une blague, et oui souvent des amis plaisantins n’hésitent pas à me faire marcher ! Très vite je m’aperçois, que ce qui m’est raconté est bien la vérité et me décide donc d’accepter cette recherche improbable. L’animal à rechercher est un bœuf de 18 mois, échappé depuis 3 mois. Il est devenu sauvage, reste dans un périmètre de 1 km autour de la ferme mais ne se laisse pas prendre. Son propriétaire l’observe régulièrement et ce matin l’animal a été vu, avant de pénétrer dans un bois, avec du sang sur la tête. Son propriétaire suspecte une blessure par balle et me demande de vérifier cela en retrouvant l’animal. Le but est de tout d’abord confirmer une blessure et ensuite, si possible, abréger les souffrances de cet animal, si celui-ci est bien blessé. Ainsi, éviter tout risque d’accident avec un animal blessé et potentiellement dangereux. J’hésite alors longuement dans le choix du chien. Lequel prendre, nous n’avons aucune expérience dans ces animaux, je les interdis même de courir derrière et mes chiens ne prêtent aucune attention aux bovins. Je me décide alors à prendre ma Mémé, elle a l’expérience du pistage et cela devrait être moins néfaste, vu son âge, pour elle que pour Umbra. Je me pose alors beaucoup de questions, Merveille va telle accepter de travailler un bœuf, comment va telle se comporter face à lui ? L’appréhension me gagne, l’animal pèse 400kg, il va falloir être très vigilant. J’ai hâte que cette recherche soit terminée. De plus nous ne sommes même pas certains qu’il soit blessé, et si il l’est, qu’elle en est l’origine.

Ce sera donc une première pour Merveille, et oui il n’y pas d’âge pour apprendre. Çà y est, nous y sommes, Merveille est à l’endroit indiqué, elle marque l’animal comme étant blessé, fait 2 mètres et s’arrête en me regardant. Je lis dans son regard une question « qu’est ce que je fais, on ne piste pas çà d’habitude ?» et lui ordonne de rechercher cet animal. Elle redémarre alors immédiatement fait 10 m et se ré arrête en me regardant à nouveau, « tu es sur, j’y vais ?»,me fait elle comprendre, je lui répond « oui allé ma Mémé le sang » . Après ces débuts très interrogatifs de ma Mémé, elle ne s’arrêtera jamais. Je suis en admiration devant tant d’application, tant de passion, tant de dévouement. Tout parait si facile. Merveille relève toute les difficultés sans jamais être en défaut. Les angles droits se succèdent. Mis à part quelques gouttes de sang sur les 100 premiers mètres, nous n’apercevons plus rien. A un moment, je trouve un filet de sang coagulé, me faisant penser à du sang rejeté par les naseaux. J’indique que notre animal, n’a visiblement qu’une blessure légère que cela risque d’être compliqué et dangereux. J’attends les ordres, nous continuons notre recherche ou pas ?

La décision est donc prise de continuer et d’abattre proprement notre fugitif, si nous le pouvons. Je reste très vigilant. Le bœuf prend régulièrement des chemins, des allées forestières, mais quitte aussi ces allées en faisant des angles droits. A plusieurs reprises il passe dans des fourrés. Nous sommes prudents, mais non il n’est toujours pas présent. Après 2 km, l’animal est aperçu, prenant la fuite, à une cinquantaine de mètres, en sous bois. Maintenant, c’est autre chose, il va falloir faire une poursuite. Mais comment en longe ou en libre ? Merveille va telle vouloir se lancer en poursuite sur la voie chaude de ce bovin ? Arrivé à la couche, Merveille tourne un peu, 30 secondes. L’animal s’est reposé et a changé d’odeur, mais ma Mémé ne se trompe pas, c’est bien notre animal et elle se lance en poursuite à pleine voix derrière ce bœuf comme si elle avait déjà fait cela de nombreuses fois.

Je suis en admiration, quel spectacle nous offre ma Mémé. Mes accompagnateurs et moi même n ‘en revenons pas, nous avons le sourire et continuons donc cette poursuite en longe, cela est plus sage ! Trois cent mètres après notre animal sera bloqué et abattu proprement. L’animal est là étendu devant nous, cela est bien triste, mais il n’a pas souffert et ne blessera surtout personne. Merveille me surprend encore, elle ne montre aucune hésitation, pille notre fugitif, le secoue ( enfin essaye) comme si c’était un petit chevreuil ! Il était bien blessé, au dessus des naseaux. Je ne peux malheureusement rien affirmer quant à l’origine de ce tir. Je sais juste qu’il aurait souffert longtemps et aurait été dangereux, la bonne décision a été prise.

En recherche tout est possible, tout arrive, il faut juste y croire. Votre chien, si il est prêt, si la relation entre vous et lui est forte, fera tout son possible pour réaliser ce que vous lui demandez, fera tout pour vous faire plaisir. Ma Mémé l’a fait, j’espère à l’avenir avoir d’autres bonnes surprises, d’autres premières fois. Bravo Mémé »